La Crête : la Panaghia Kéra - Grèce Dans la Crête orientale, à Haghios Nikotaos, nous empruntons une route qui grimpe à travers la montagne jusqu' à Krista, ville réputée pour ses dentelles comme nous le prouvent tous les magasins pour touristes exposant mouchoirs, nappes ou vêtements. Cela nous fait fuir. En fait notre but est la Panaghia Kera, une petite église byzantine construite au XIII° siècle, tout près de Krista. Nous la trouvons dans la campagne, toute blanche, entourée de cyprès et doliviers.
Cest un coup de foudre! Elle a une forme bizarre parce que deux nefs latérales ont été rajoutées à l'église primitive à une seule nef. Or, pour maintenir le tout, il a fallu ajouter des contreforts de chaque côté. On dirait quelle saccroche au sol, de toutes ses pattes -je veux dire de tous ces arc-boutants - la petite église, quelle plante solidement ses racines dans le sol. Devant, à lentrée, sur la façade percée de jolies petites fenêtres en ogive et dune porte, un léger campanile supporte une cloche avec sa corde accrochée à une des fenêtres. Comme dans beaucoup d'églises ou de monastères crétois, la cloche est tirée de lextérieur. La coupole surmontée dun haut tambour recouvert de tuiles roses est couronnées dune croix.
Lintérieur de la Panaghia Kera est aussi une surprise. Dans une semi obscurité, apparaissent, lumineux sur les murs peints, les silhouettes et les visages de personnages religieux auréolés de lumière, se détachant sur des fonds rouges, des motifs floraux... Une richesse qui contraste avec lextérieur de la chapelle dans sa blanche simplicité.
Ces fresques illustrent en un raccourci saisissant dans un espace aussi restreint l'évolution de la peinture sur deux siècles.
Dans la nef centrale du XIII° siècle représentant les scènes de lEvangile. Lexécution est archaïque. Les visages paraissent étranges, figés dans une expression assez sévère. Le cheval de la ! Vierge d ans la Fuite en Égypte est plus petit que Marie dont le haut du corps est disproportionné par rapport aux jambes. Mais cette naïveté ne va pas sans grâce et lon se plaît à regarder avec attention les décors, les couleurs, la stylisation des arbres et des plantes.
Dans la nef du Nord du XIV° siècle sont mis en scène le Christ Pantocrator et les apôtres. Dans la nef du sud du XIV° sont peints les scènes de la vie de Sainte Anne et de la Vierge Marie. La scène sanime, lartiste saisit le mouvement dans sa continuité. Le personnage se penche pour donner leau du jugement, tend la fiole à bout de bras. Un rideau senvole; des émotions passent sur les visages. La peinture devient vie. La visite semble suspendre le temps. On sort de l'église dans la lumière, les yeux encore pleins de toutes scènes qui resteront un des plus beaux souvenirs de notre visite crétoise.
Mais vérifiez les horaires. Lors de mon séjour en Crète, la Panaghia Kèra était fermée dès 15h et le! lundi, davril à novembre.
La Crête : le plateau du Lassithi - Grèce
La Crète est divisée en "nomes" qui sont des divisions administratives, eux-mêmes subdivisés en plusieurs "éparchies", qui correspondent au diocèse de l'église latine.
Ainsi le nome du Lassithi, le plus oriental de Crète, est subdivisé en quatre éparchies : celles de Mirabello, du Lassithi, de Hiérapetra, de Sitia.
Nous sommes logés pour quelques jours à Hierapetra, une station balnéaire sur la côte sud-est de la Crète, et cest à partir de cette base que nous visiterons quelques-unes des richesses de ces différentes éparchies.
Et tout dabord le plateau du Lassithi dans l'éparchie du même nom. A partir de Hierépietra, la route serpente dans un massif montagneux sauvage et beau.
Et puis, dun seul coup, surplombant de très haut le paysage, elle nous révèle un spectacle impressionnant. Tout en bas, au-dessous de nous, s'étend, encerclée par de hautes montagnes aux neiges éternelles, une formidable dépression de plusieurs kilomètres de diamètre, une vaste étendue circulaire semblable à une gigantesque piste de cirque, au fond incroyablement vert. Cest un "poljé", le plus grand dEurope.
Le poljé, mot slave signifiant plaine, est selon la définition du dictionnaire, une dépression plus ou moins vaste entourée de rebords rocheux, à fond plat et alluvial, très répandu dans les reliefs karstiques, provenant de l'érosion des roches calcaires.
La dépression de Lassithi nest pas une plaine même si elle paraît comme telle vue de la route qui la domine. Il sagit en fait dun plateau qui est situé à 800 mètres environ daltitude. Ce plateau forme une immense cuvette qui était autrefois inondée. Des travaux de drainage ont permis den faire un terrain de culture dun grande fertilité. Pendant l'été, leau pour lirrigation, est tirée du sol par laction dune multitude de petites éoliennes, légers moulins à vent aux ailes blanches, de nos jours motorisées. En ce mois dAvril pluvieux, elles sont au repos et dépourvues de leur toile lèvent vers le ciel leurs maigres bras métalliques. Le découpage des champs et des prés de tailles et de cultures différentes, tirés aux cordeaux, forment comme une sorte de patchwork coloré qui décline en cette saison toutes les nuances du vert.
Nous descendons par la route en lacets au fond du poljé. Cest pour découvrir de charmants et blancs villages pelotonnés au pied des hautes cimes enneigées. De nombreuse auberges indiquent quil sagit dun lieu très touristique en haute saison.
La Crête : de la palmeraie de Vai à Sitia - Grèce
Nous décidons daller pique niquer sur la plage de Vai, située au Nord-Est de la Crète, non loin de Moni Toplou et de la ville de Sitia, capitale de l'éparchie qui porte son nom.
Elle est célèbre pour sa palmeraie que lon ne trouve nulle part ailleurs en Grèce, un curieux caprice de la nature. On dit quelle aurait poussé dans lantiquité à partir de dattes ramenées par les marins phéniciens ou par des soldats de Ptolémée. Cest là que, dans la mythologie grecque, Europe enlevée par Zeus sous la forme dun taureau blanc, aurait abordé.
La plage est belle, presque déserte, à lexception de quelques familles en ce mois davril. Nous la découvrons sous la pluie, qui cesse bientôt, pour laisser place à un doux soleil. Il paraît - et on imagine aisément pourquoi - quelle est envahie par les touristes l'été. Quelques enfants se mettent dailleurs à leau. Nous regrettons n! ous aussi de ne pas avoir amené nos tenues de bain. Nous passons un bon moment de détente puis en route pour Moni Toplou.
La forteresse de Moni Toplou, ou Monastère aux Canons, est un moment clef de la visite de l'éparchie de Sitia. De lextérieur le monastère est peu accueillant, très imposant avec ces murs fortifiés. A lentrée se dresse un moulin blanc. On pénètre ensuite dans une cour calme et coquette qui fait oublier limpression première. Refermée sur elle-même, à labri, elle présente un bâtiment en pierres rehaussé par deux étages aux murs blancs, fleuris de géraniums roses. Sur la gauche une petite chapelle à la façade de pierres qui est le seul vestige du monastère originel construit au XIV siècle et qui fut par la suite reconstruit et fortifié au XVI° siècle.
A lintérieur, une fresque de lartiste crétois du XVIII° siècle, Ionnis Kornaros, dépeint la grandeur de dieu (Megas et Kyrie). Cette fresque vivement colorée contient un grand nom! bre de personnages répartis en une soixantaine de scènes repré! sentant chacune un verset de lEpiphanie. Elles sont peintes avec un souci du détail, une minutie extrême. Au-dessus, se tiennent le Père, le Fils et le Saint Esprit, la Trinité couronnée par toute une multitude danges. Au centre, le baptême du Christ par Saint Jean-Baptiste. Plus bas, la vierge Marie tient son fils sur ses genoux. Celui-ci serre dans sa petite main gauche un globe terrestre. Marie retient Eve par la main tandis qu'Adam se tient debout devant un pommier. En dessous, le Christ reconnaissable à son auréole marquée dune croix rouge, descend chercher les âmes de ceux qui, nayant pas reçu le baptême, se trouvent dans les Limbes. Là, dans la partie inférieure de loeuvre, Jonas sort du ventre de la baleine, ici les Hébreux conduits par Josué traversent le Jourdain...
On ne sarrêterait pas de contempler cette icône de grande taille, à la recherche du moindre détail. Le trait est dune grande finesse et lon sent la ferveur de lartiste qui laisse libre c! ours à son imagination et à sa foi pour broder un histoire à la gloire de Dieu. Dautres fresques et icônes complètent la visite de Moni Toplou, qui mérite vraiment le détour...
En repartant de Moni Toplou, nous longeons la côte en direction de Sitia. Le paysage côtier, avec ces points de vue sur la mer, est dune indescriptible beauté. Nous arrivons à Sitia, une jolie ville étagée en gradins autour de son port où nous faisons, en cette fin de journée, une halte rapide. Les petites maisons colorées, les églises, offrent un spectacle charmant. Cest une station balnéaire qui a beaucoup de succès mais qui est déjà un peu trop touristique à mon gré.
Retour à Hiérapétra. A lhôtel, au début du repas, le serveur qui conmmence à bien nous connaître, nous demande où nous sommes allés. Quand il apprend que nous avons visité Sitia, il sanime. Cest sa ville natale. Il ne tarit plus d'éloges, nous explique sa beauté, nous apprend que cest une de plus importa! ntes villes de la Crète (la sixième, en fait), réputée dans t! out le p ays pour sa douceur de vivre. Pour finir, comme nous hésitons, il nous conseille de choisir un vin de Sitia, le meilleur de Crète, daprès lui. Oui, cest vrai, il est bon.
Crête : Zeus et lantre de Dikté - Grèce
La Crète est le berceau des Dieux. Quand les douze Titans régnaient sur la Grèce, Chronos, le plus puissant de tous, avait pris la fâcheuse habitude de manger tous ses fils dès leur naissance sous prétexte que lun dentre eux risquait de prendre sa place... Jusquau moment où sa femme, Rhéa en eut vraiment assez. On la comprend ! Et quand son dernier né, Zeus, jeta son premier cri et ouvrit lesyeux sur le monde, elle le cacha dans l'antre de Dikté - ou grotte de Psychros- en Crète, et fit avaler une pierre à son peu malin de mari !
Cest dans cette grotte, donc, au milieu du décor brillant de magnifiques concrétions calcaires, stalagmites difformes aux formes scintillantes et étranges, que vécut le petit Zeus, tétant le lait de la chèvre Amalthée, jouant avec les Curètes, ces dieux crétois prêts à tout pour le distraire. Quand vous visiterez ce lieu, sur le plateau du Lassithi, vous v! errez que ce nest pas une grotte ordinaire. Vous sentirez bien que vous foulez les traces du Dieu des Dieux, du premier des Olympiens...
A moins que, matérialiste pur et dur, vous ne préfériez apprendre que la grotte au cours de la période prépalatiale de la civilisation minoenne a servi dhabitation aux hommes et de grotte cultuelle. Elle semble, en effet, avoir été dédiée au culte de la déesse Mère. De nombreux objets trouvés lors des fouilles attestent de ces deux vocations : sceaux, poignards, bijoux, figurines, vases en terre cuite, vases sacrés, tables à offrandes...
Si la Crète a été le berceau de Zeus, elle a recueilli aussi, disent les Crétois, son tombeau. Il est situé au sommet du mont Ggioutcha qui domine la ville dArchanès, à 10 km au sud de Cnossos. Car les Dieux meurent aussi...
Crête : Zeus et Europe - Grèce
Zeus ! On sait tous quel piètre mari il fut ! On comprend bien que si son épouse, Héra, se montra quelque peu acariâtre et vindicative, cest quelle avait de bonnes excuses. On sait aussi quel pauvre séducteur il était, ce que Offenbach ne manque pas de lui dire en ces termes : "Que prouvent ces métamorphoses? cest que tu te trouves si laid, que de te montrer tu noses tel que lon ta fait !"
Pour séduire ses conquêtes, Zeus se déguise et cest sous la forme dun taureau quil se présente à Europe, fille du roi de Phénécie. Celle-ci, conquise par le bel animal, monte sur son dos et il lemporte à la nage jusquen Crète. On dit quils font escale sur la plage de Vai au nord est de la Crète et à Gortyne au sud est où Zeus reprenant son apparence humaine sunit à la belle princesse sous le platane de Gortyne.
Je suis allée à lantique Gortyne ou Gortys. Jy ai trouvé le platane dEurope, ou érable crétois, arbre hybride comme le Minotaure, qui emprunte son tronc à lun et ses feuilles à lautre.
En voyant les murs épais des édifices de Gortyne, linfluence de Rome simpose comme une évidence. Après la conquête romaine, la ville devient, en effet, la capitale de la Crète et connaît son apogée. La basilique Haghias Titos au style architectural imposant fut édifié à lendroit du martyre de Saint Tite, premier évêque de Crète, en 60 après JC. Dans lOdéon s'élève le mur qui porte en langue dorienne le texte appelé "les lois de Gortyne". Celles-ci détaillent les lois du mariage, du divorce, de lhéritage, de la propriété, des agressions, des viols...
Spectaculaires ces vestiges, certes, mais la promenade au milieu des oliviers de lautre côté de la route, à la recherche dune nymphée, est ce que jai le plus aimé. Un canal et un aqueduc conduisent jusqu'à la fontaine perdue au milieu dune végétation sauvage, herbes, ronces,! entourée dun tapis darnicas, fleurs ensoleillées ...
P! lus loin , dans les champs labourés par lagriculteur affleurent des pierres taillées, des fûts de colonne, des chapiteaux, quil faut contourner pour cultiver la terre. Partout la présence de la civilisation morte depuis si longtemps affirme sa présence. Un olivier au tronc fendu en deux par une colonne qui est restée insérée dans ses entrailles, continue à pousser son trophée vers le ciel, arbre-pierre qui évoque une des métamorphoses dOvide. Quelle promenade belle et paisible...
Mais revenons à Zeus et Europe... De leur union, naissent Minos, Rhadamante et Sarpédon. Lorsque Zeus labandonne, Europe épouse Astérios, roi de Crète, qui éleva ces enfants, des demi-dieux, comme les siens et en fit ses héritiers. A la mort dAstérios, Minos, pour laisser régner seul sur la Crète, se vante que les dieux exauceront toute prière quil leur fera. Il demande à Poséidon de lui offrir un taureau et assure au Dieu de la Mer quil le lui sacrifiera par la suite. Surgit alors des f! lots un taureau blanc si beau que Minos est reconnu comme roi... Cest le début, en Crète, de cette brillante civilisation qui porte son nom.
La civilisation minoenne... Elle est là, partout présente, dans les sites remarquablement conservés, Cnossos, Lato, Malia, Phaïstos, Zachros... dans les trésors inestimables des musées, Héraclion, Réthymnon... Sur elle reposent les strates des conquérants, les mycéniens, les doriens, les romains mais aussi les vénitiens, les turcs, mêlant les styles, enchevêtrant les siècles, les millénaires... Rien ny fait. Elle ressurgit dans ces pierres accrochées aux montagnes, les dédales de ces palais, les statuettes de taureaux, les vases sacrés... Nous sommes sur la terre de Minos, juge aux Enfers, maître de la Crète, et de son épouse Pasiphaé, petite-fille de Hélios, le Soleil.
La Crête au musée du Petit Palais dAvignon (1)
Le musée du Petit Palais à Avignon abrite la collection Campana riche de nombreux tableaux de Renaissance. Là, lhistoire de Thésée et du Minotaure est racontée par un peintre dorigine française, qui partit à Florence au début du XVI° siècle. Son nom est inconnu, cest pourquoi on lappelle du nom de la collection du palais : Le Maître des Cassoni Campana.
Quest-ce quun cassone? Cest un riche coffre de mariage décoré par un peintre. Chacun des épisodes du mythe de Thésée est ainsi peint sur les quatre panneaux du coffre.
Le premier tableau décrit les amours monstrueuses de Pasiphaé avec le taureau. Il sagit dune sorte de bande dessinée où se déroulent de gauche à droite mais aussi du premier plan au dernier, différentes scènes narrant lhistoire. Il faut donc lire notre BD à la fois linéairement mais aussi en profondeur.
Au premier plan, à gauche, Pasiphaé, du ! balcon de son palais, aperçoit le Taureau blanc; elle descend dans le parc, vêtue dune riche robe rouge et verte, couverte dune chasuble dorée virevoltant autour delle, vêtement contemporain de lartiste. Les cheveux blonds retenus par un ruban de couleur bleu, les pieds chaussés de spartiates et sappuyant légèrement sur un bâton, elle sapproche du taureau.
Derrière elle, désobéissant à Poséidon, Minos refusant de sacrifier le bel animal tue un taureau brun. Dans larrière plan ce dernier, consumé par les flammes, est sacrifié au Dieu sur un table doffrande.
A droite, toujours au premier plan, Pasiphaé tend une touffe de fleurs au taureau. Un second plan, à larrière, peint Pasiphaé, égarée par la passion, demandant conseil à Poséidon armé dun trident. Puis Pasiphaé, sur les conseils du Dieu qui retient lanimal, se glisse dans le corps dune vache fabriquée par Dédale et séduit le taureau. De leur union naîtra le Minotaure, monstre à tête de taureau et au! corps humain, qui se nourrit de chair humaine.
Larrrière plan, au loin, tout en douceur et nuances subtiles, dessine une ville aux tours ajourées. Elle s'étage sur une colline. Dans le lointain apparaissent presque estompées des montagnes diaphanes. Leurs pieds sont baignés par la mer sur laquelle les contours à peine esquissés de petits voiliers voguent allègrement.
Le paysage à linverse des hommes aux passions violentes et dont se jouent les Dieux, est tout de sérénité. Il est très composite : cyprès entourant le palais rappelant lItalie dans les peintures de la Renaissance, ville, au loin, de style nordique, aux glacis bleutés. Aucune note de réalisme dans le paysage. La Crète, si ce nest par le récit, est absente ici.
Le deuxième panneau du Maître des Cassoni Campana raconte le combat de Minos contre Athènes. Le roi Minos pour venger son fils Androgée parti à Athènes et tué par Egée attaque les Athéniens et emporte la victoire. Il exige que le la Grèce livre un tribut de sept jeunes filles et de sept jeun! es gens à la Crète pour être sacrifiés au Minotaure.
La lecture se fait de gauche à droite, de larrière plan au premier. A larrière on aperçoit les Crétois assiégeant Athènes ceinte de remparts crénelés et arborant des clochers et des tours, une Avignon située dans les brumes du Nord de la France. Au premier plan, sur une éminence qui domine la ville, Minos sur son cheval blanc lève son épée pour terrasser un adversaire. Au centre un groupe armé, à cheval, hérissé de lances et d'étendards, à droite de jeunes athéniens amenés prisonniers en Crète par des soldats. La troupe disparaît ensuite dans un défilé de montagne.
La Crête au musée du Petit Palais dAvignon (2) - Grèce
Le troisième panneau du Maître des Cassoni Campana au musée du Petit Palais d'Avignon peint larrivée de Thésée, le fils d Egée, débarquant en Crète avec les autres prisonniers. S'éloignant de la nef, Thésée, en armure, met pied à terre. Cest le plus original et le plus énigmatique de tous les tableaux.
La composition est, en effet, très curieuse. Le peintre brouille les pistes en représentant la même scène deux fois. Dabord, en plan densemble, dans le lointain, devant un palais, Thésée parle aux deux filles de Minos et de Pasiphaé, Phèdre et Ariane. Au premier étage du palais on distingue deux petites silhouettes à peine perceptibles. Ensuite, mais cette fois, de près et en gros plan, Thésée sentretient avec les jeunes filles. La même scène ? Non car les gestes de jeunes gens se sont modifiés. Les personnages au premier étage ont changé de fenêtre comme pour épier les jeunes ! gens : Il sagit dun homme et dune femme. Qui sont-ils? Que font-ils ?
A droite, le récit continue avec la même singularité : Ariane et Phèdre sont assises devant lentrée du labyrinthe. Ariane tient un fil à la main. Le dédale est curieusement représenté, tronqué à mi hauteur de manière à apercevoir ce qui se passe au centre. Thésée est en train de terrasser le minotaure qui apparaît vu par le peintre un peu comme un centaure, avec un corps danimal et un torse humain.
Puis lartiste se joue des repérés chronologiques : derrière le labyrinthe deux scènes, lune représente Thésée senfuyant avec les deux jeunes filles après avoir tué le monstre. Lautre, peint le minotaure dévorant des êtres humains. Il est fait prisonnier et il est entraîné par des soldats qui le conduisent vers... le labyrinthe ?
On a limpression que les deux scènes sont contemporaines et se passent après lexploit de Thésée. Ce qui est impossible. En fait, on saperçoit que la scène ! tourne autour du labyrinthe qui est cylindrique. Si, après la ! fuite de Thésée, on lit le récit vers la droite on retourne vers le passé. Si au contraire on le lit vers la gauche, on part vers le futur. Lavenir, cest la nef qui attend Thésée et ses compagnes, cest le bateau dont Thésée a oublié de retirer la voile noire et qui s'éloigne en direction de la Grèce...
Enfin, la quatrième et dernier panneau du Maître des Cassoni Campana est l'histoire dAriane abandonnée à Naxos. Un lit avec baldaquin où ont dormi les trois jeunes gens figure en gros plan sur la gauche. Thésée et Phèdre, debout et habillés, senfuient vers la nef, laissant Ariane nue, endormie dans le lit. A larrière plan, on voit la nef s'éloigner, contourner la côte et arriver en vue dune cité, Athènes. Egée qui guette le retour de son fils, voyant la voile noire, croit que celui-ci est mort. Il se jette de la tour, petit pantin désarticulé. Ariane, elle, est recueillie par Dionysos que lon voit arriver de loin avec son cortège de personnages mythiques, faunes, ! bacchantes, et animaux fabuleux.
Crête, lecture de Racine : la fille de Minos et de Pasiphaé - Grèce
La fille de Minos et de Pasiphaé : cest ainsi que Phèdre, Phaidra, la Brillante, la Phèdre de Racine, princesse crétoise, faisant illusion a sa double hérédité, dépeint le combat qui se livre en elle entre le mal et le bien, entre lombre et la lumière.
La pièce de Jean Racine est une tragédie où lobscurité le dispute au jour, où les monstres de la Grèce antique saffrontent. A travers elle, c'est toute l'histoire de la Crête qui nous est donnée à voir.
Lumière : Phèdre, la fille de Pasiphaé, petite fille du soleil, coupable damour incestueux envers Hippolyte, le fils de Thésée, cherche à fuir son crime
Misérable et je vis? et je soutiens le vue
De ce sacré soleil dont je suis descendue
Ombre : Phèdre responsable de la mort de son beau fils Hippolyte veut se réfugier dans la mort :
Où me cacher! ? Fuyons dans la nuit infernale...
mais elle sait quelle y retrouvera son père Minos, juge aux Enfers
Mais que dis-je? Mon père y tient lurne fatale
Minos juge aux enfers tous les pâles humains
Ombre et lumière : Dans ce combat, il faut, pour que la lumière triomphe que Phèdre, la brillante, entachée de noirceur, mette fin à sa vie
Et la mort, à mes yeux, dérobant la clarté
Rend au jour quils souillaient toute sa pureté.
Ombre et Lumière. Crète. Le rouge des fresques des palais minoens éclaboussent ta blancheur, les taureaux noirs aux cornes dor veillent sur toi même sils ne livrent plus de combats. Tu as tué tes monstres mais lombre de Minos et de Pasiphaé s' étend toujours sur toi.
Crête, le culte du taureau : le musée dHéraclion (1)Tous les pays du pourtour méditerranéen ont voué un culte au taureau, incarnation de la force virile, de la fécondité, et lont défié dans des jeux qui étaient aussi des célébrations rituelles. Dans la civilisation crétoise le taureau est partout comme en témoignent les objets, les statuettes, les fresques trouvés dans les site archéologiques qui lui sont dédiés au cours des millénaires.
La visite du musée archéologie dHéraclion, splendide, passionnante, permet de sinitier à ce culte qui marque la civilisation minoenne.
Dès l' époque prépalatiale (cest à dire 2600-2000 av. JC) apparaissent des petits objets cultuels comme ce vase en forme de taureau avec des acrobates accrochés à ses cornes ( salle1 vitrine 4) prouvant que les jeux de taureaux étaient déjà célébrés dans ces temps reculés.
A l' époque paléopalatiale qui suit (2000-1700), périodes des constructions des grands palais comme Cnossos, Mallia, Phaistos, le culte du taureau se poursuit à travers les masques pourvus de cornes que les prêtres portaient pendant les cérémonies (salle 2 : vitrines 20 et 24), les rhytons en forme de tête taureau (salle 3 vitrines 38) ou de taureau entier ( vitrines 34 et 36)
Après le catastrophique tremblement de terre de 1700 qui détruisit les palais, de nouveaux palais sont reconstruits sur les mêmes sites..
Cest l' époque néopalatiale qui est la plus brillante de la Crête. Dans les neuf salles du musée consacrées à cette période la représentation du taureau est omniprésente.
Un des objets les plus admirables, est sans doute, la tête de taureau sculptée dans une pierre noire de la salle 4 (vitrine 51) Son mufle cerné dune bande blanche en nacre semble luisant et doux au toucher. Ses yeux en cristal de roche et ses cornes dorées lui donnent vie.
Lacrobate en ivoire (vitrine 56), mutilé (il lui ! manque une jambe) est incomplet puisquil représente un jeune ! homme bondissant au-dessus dun taureau disparu. Quoiquil en soit cest une uvre émouvante par sa finesse et sa gracilité. Il attire lattention tant le personnage est saisi dans le mouvement, suspendu dans lespace. Il s envol, étonnant de légèreté. La scène est dune telle précision que lon na aucun mal à visualiser ce saut fantastique, limagination suppléant sans peine à remplacer lanimal absent.
Le musée d' Héraclion : une visite à ne pas manquer
Crête, le culte du taureau : le musée dHéraclion (2) - Grèce La fresque n° 15 salle 14 du musée dHéraclion provenant du palais de Cnossos peint avec beaucoup de précision le déroulement des jeux avec le taureau, véritables cérémonies religieuses au cours desquelles les prêtres et prêtresses de ce culte risquaient leur vie en sautant au-dessus de l'animal. Cela pourrait expliquer la légende du Minotaure.
Hommes et femmes participaient à ce jeu, tous habillés de la même manière, dun pagne avec un noeud sacré dans les cheveux. Lacrobate devait saisir le taureau lancé au galop par les cornes comme on le voit sur cette scène, exécuter un double saut périlleux pour se rétablir sur ses pieds à larrière de la bête. Il fallait une adresse, une dextérité sans pareille, pour accomplir ce tour de force. Même si les cornes du taureau étaient rognées, le jeu nen restait pas moins dangereux. Il pouvait entraîner des blessures ou des accidents mortels comme de nos jours, dailleurs, les corridas et les jeux de lâchers de vachettes qui se pratiquent dans certaines villes dEspagne ou du midi de la France. Les jeunes filles et les jeunes hommes, entraînés dès lenfance, étaient consacrés à ce culte.
Dans son roman, "Sinouhé l Egyptien", Mika Waltari, écrivain Finlandais, entraîne son héros, Sinouhé, dans un voyage qui l amène de lantique Égypte où il vit à la Crête.
Le jeune homme tombe amoureux dune prêtresse du taureau, acrobate, quil ne pourra, malgré son amour, arracher au culte qui la dévore. Tout en donnant son interprétation personnelle du mythe du minotaure, Mika Waltari, cet érudit philosophe, nous offre de cette civilisation crétoise (et égyptienne aussi) une peinture étonnante et passionnante.
Un livre très intéressant et plaisant si vous voulez vous mettre dans lambiance avant votre voyage en Crête ou dans l Égypte ancienne..
Merci pour votre publication !
Palla d' oro