• Cyclades 1998 par cyrilos-867 (La suite)

    Cyclades 1998

    par cyrilos-867

    La suite

    Jeudi 13 août 1998, Amorgos

    Une page pour David

    Au petit jour, la vue est magnifique. Nous sommes une quarantaine à avoir ainsi dormi sur la plage… dont beaucoup de français. Juste à côté de nous justement, un couple d’âge mûr originaire de … Brindas. Ah ! Que le monde est petit…

    Bercés par le bruit des vagues toute la nuit, la mer s’offre à nous au réveil. David se contorsionne dans son duvet pour enfiler son caleçon de bain et est vite le premier à se jeter à l’eau. La nuit a été éprouvante, la baignade matinale est vivifiante, mais il manque quelque chose : un petit déjeuner digne de ce nom. Nous nous offrons un breakfast complet dans une taverne, hélas bien trop vite avalé.

    Nous rejoignons alors le camping d’Aigiali, où nous retrouvons les quatre jeunes français rencontrés dans l’avion. Ils se sont appropriés les deux derniers emplacements à l’ombre du camping… Mais ce n’est qu’une demi déception puisque le camp ne nous plaît pas vraiment. Lorsque nous quittons les lieux, deux solutions s’offrent à nous : prolonger notre séjour sur la plage (avec l’inconvénient majeur de n’avoir pas d’endroit pour stocker les sacs à dos) ou louer une chambre chez l’habitant. Nous avons tous très envie d’essayer cette seconde formule, mais alors que nous nous présentons sur le quai à l’arrivée d’un ferry, personne n’est là pour présenter de " Rooms to let "…L’unique opportunité qui s’offre à nous est une location à la semaine, alors que nous ne souhaitons rester qu’une nuit ou deux sur Aigiali.

    Nous plantons alors David à la garde des sacs à dos et commençons à arpenter les ruelles, entre pensions et rooms. Mais partout, la même réponse : " Full… " (complet) . Nous sommes bien loin de la folie de Naxos et de son cortège de loueurs en tout genre ! A Amorgos, l’infrastructure touristique est bien moins développée qu’à Santorin ou Naxos et il y a peu de chambres pour des touristes de plus en plus nombreux… Nous commençons à désespérer, à nous résigner à rejoindre Chora ou Katapola, les deux autres grandes villes de l’île, lorsque le miracle survient. Vous vous souvenez de David, abandonné au coin d’une ruelle avec les sacs à dos ? Et bien de son côté, le bonhomme n’avait pas perdu son temps. Entré en contact avec une petite vieille grecque, celle-ci n’avait pas tardé à comprendre que nous étions à la recherche d’une location et avait sauté sur son téléphone. Alors que nous avons rejoint notre compagnon, c’est une jeune fille d’environ treize ans, qui parle un anglais r
     emarquable, qui nous mène à la " room " en question.

    Je commence à encenser David, à lui promettre une page du journal de bord s’il a réussi à nous trouver une chambre… Celle-ci est coquette et tout confort, mais il nous faut la négocier avec un vieux patriarche grec. Il propose 17 000 drachmes la nuit, pour deux nuits. La jeune (et jolie) grecque sert d’interprète, et lorsque nous demandons 15 000, le propriétaire a un sourire en se tournant vers nous : " Français ? Ah…" et le prix tombe à 16 000. Mais nous signifions que c’est encore trop cher pour nous et nous commençons à nous en aller… Ils nous rappellent en acceptant l’offre à 15 000. Après une ultime concertation commune, juste le temps de dire " banco ! " et nous voilà les heureux propriétaires d’une superbe room… David peut jubiler : " J’ai ma page dans l’journal de bord !  J’ai ma page dans l’ journal de bord ! ". Et nous ne tardons pas à nous installer et à profiter du confort de cette petite chambre.

    Juste après le repas les lits nous invitent à la sieste et tout le monde en profite ! Après la nuit éprouvante passée entre le ferry et la plage, après toutes ces nuits sur le Karémat (ou à même le sol pour David), c’est un véritable bonheur que ce profond sommeil sur un vrai matelas…

    Amorgos, enfin...

    En fin de journée, nous découvrons les alentours d’ Aigiali : David et Alex remontent la route qui longe la côte jusqu’à l’ilôt Ni Kouria, tandis que Caro et moi grimpons jusqu’au superbe petit village de Potamos, situé juste au-dessus d’Aigiali. Le coucher de soleil est un enchantement, et nous ne manquons pas d’apprécier la beauté du lieu. Après avoir littéralement " bloqué " sur cette île (jusqu’à passer par Naxos pour attraper un ferry certain d’y accéder), nous y sommes enfin et pour le moment nous ne sommes pas déçus par le paysage, alors que nous n’avons encore vu qu’une infime partie de l’île. Tout cela valait bien quelques heures de bateau !

    Coucher de soleil sur les Cyclades vue du village de Potamos

    Vendredi 14 août 1998, Amorgos

    "Rain ? Oh no !... Oh ! Oh ! Oh !..."

    " Allez hop, on y va, en route pour l’aventure ! " - 7h30 : branle-bas de combat ! Aujourd’hui une randonnée de plus de cinq heures nous attend et doit nous mener de l’autre côté de l’île. Alex râle, légitimement : " Pour une fois qu’on a un lit, on ne peut même pas en profiter … " Lorsque je jette un œil dehors, le ciel est tout gris. Mais gris de chez pas bleu ! En allant acheter le pain, je m’inquiète du temps auprès du boulanger et lui demande s’il y a des risques de pluie. " Rain ? " dit-il en me regardant avec des yeux incrédules. " Rain ? Oh no !… Oh ! Oh ! Oh !… Rain… Oh ! Oh ! Oh !… " me répond-il ensuite avec une voix qui me fait penser à celle de Dingo, ajoutant quelques paroles en grec que je ne saisis pas, mais je comprends tout de même bien qu’il se fout de ma gueule !

    Sac à dos, pique-nique et bouteilles d’eau, nous voilà parés pour cette balade qui s’annonce longue et belle. La randonnée " Guide du routard " doit nous mener à Chora, capitale de l’île, après quinze kilomètres de sentier. Nous rejoignons Potamos avant de prendre un chemin de pierres qui se faufile entre les montagnes… L’itinéraire est balisé par des points rouges, mais de façon très irrégulière. " Tu vois quatorze points sur deux mètres, et après aucun pendant un kilomètre ! " note Caro qui en connaît un rayon en randonnée pour avoir arpenté nombre de GR boussole en poche avec les scouts. Conséquence, le chemin se perd régulièrement dans la garrigue locale, et nous avançons au feeling.

    Mais quel spectacle ! Derrière chaque montagne, un nouveau paysage. La mer nous apparaît d’un côté, de l’autre, des deux… Le soleil est de retour et illumine ce paradis. Nous en prenons plein les yeux (et les narines), et pourtant le trajet est éprouvant : dénivelé, cailloux, buissons " fractales " griffeurs… Cette balade est l’un des " must " du Routard et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si sur les quatre randonneurs que nous croisons sur le chemin, trois sont français… Nous rencontrons aussi, à plusieurs kilomètres du premier village, une petite vieille grecque, toute en noir, qui nous abreuve de son " Kalimera ! Kalimera ! ". Plus loin, une autre à dos d’âne , des paysans avec leur mulet bien chargé, quelques chèvres et un bouc, et tout au long du chemin, des lézards par dizaines…

    Un monastère, une crique...

    Après un pique-nique qui nous remet tous d’aplomb, nous repartons à la recherche des points rouges. Le sentier se découvre, se perd, se repère, se reperd… Nous nous rapprochons de la côte ouest, où Chora nous attend : le grand bleu s’offre à nous, la mer à perte de vue, les falaises sidérantes… Grisé par un trop plein d’émotions qui mettent en éveil tous mes sens, je m’échappe en courant à l’assaut d’un amas de rochers surplombant une falaise. Le vent, d’une violence rare, me plaque contre le roche, mais ce n’est qu’à l’instant où je me retourne que je reçois le coup de grâce. Je suis terrassé par une vision et j’ai d’abord l’impression qu’il s’agit d’un mirage. Non, ce ne sont pas les premières habitations de Chora, c’est bien lui sans aucun doute ! Encastré dans la roche, splendide, majestueux, immense, le monastère du grand bleu,"la Panaghia Chozoviotissa" nous apparaît !!

    Amorgos : le monastère de la  Panaghia Chozoviotissa aperçu dans "Le grand bleu"

    Ce bâtiment, célèbre depuis son apparition dans le film-culte de Luc Besson "Le Grand Bleu", nourrit depuis notre départ pour la Grèce nos délires les plus fous. Un motif de rêve permanent, une obsession, un but ultime… Il devait l’être l’objectif de notre excursion du lendemain, nous n’étions pas préparés à le tutoyer si vite ! Et le voilà qui se présente à nous, comme une récompense à nos efforts. En nous approchant, nous sommes excités comme des gosses, et aussi impressionnés par la majestuosité du site. La crique qu’il surplombe est surréaliste : falaise abrupte, mer qui décline tous les tons de bleu du turquoise au bleu roi, eau d’une clarté terrifiante, fonds sublimes… Malheureusement, pour prolonger le rêve, elle restera inaccessible par manque de temps, ou de folie…

    Sous le monastère, une crique surréaliste...

    Il est alors 15h30, et le monastère n’ouvre qu’à partir de 17h. Caro râle parce qu’elle n’aura pas droit à son loukoum. Et il nous faut poursuivre notre route, puisqu’il reste une demi-heure de marche avant de gagner Chora. Tout le monde s’est cru arrivé au bout de ses efforts en parvenant au monastère, et la montée vers Chora paraît interminable. Enfin au village, nous nous mettons en quête d’un mini-market afin d’assouvir la faim qui nous ronge : David saute sur la première cabine téléphonique qu’il rencontre et passe sa commande : " Alors pour moi, ce sera quarante paquets de chocos, cent pots de Nutella et … six cents baguettes "… Nous nous affalons dans un coin de rue, le village est peu fréquenté à cette heure et le calme après l’effort est appréciable. Je m’assoupis…

    Il y a beaucoup de monde à la station de bus lorsque nous la rejoignons, et le car pour Aigiali est littéralement pris d’assaut. Seule Caro-la-malice parvient à grimper, mais redescend par solidarité. Le prochain n’est que bien plus tard, deux solutions s’offrent à nous : le retour à pied par le sentier (!) ou … l’auto-stop. David et Alex se font embarquer les premiers, nous les imitons quelques minutes après dans une vieille fourgonnette.
    " Balade de vieux " sur le port

    Lorsque nous les retrouvons à Aigiali, ils sont en compagnie de Jean-Marie et Lucie, des amis de Caro originaires de Bron, qui parcourent eux aussi les Cyclades. Pour des raisons budgétaires, ils se contentent pour toute collation de pain et de fromage…Voilà bien le genre de repas que nous aurions du mal à faire tous les quatre, vu notre penchant commun pour la bouffe ! D’ailleurs, David a été désigné chef cuistot du soir et nous mitonne des aubergines accompagnées de boulettes de viande : un vrai régal. Le soir, les jambes sont lourdes et nous nous offrons une petite " balade de vieux " : dix minutes sur le port, histoire de prendre l’air… Nous rejoignons notre room, où David s’effondre comme une masse. La fatigue nous pousse tous petit à petit vers le sommeil. Demain, grasse mat’ pour tout le monde !

    Samedi 15 août 1998, Amorgos

    Jambes lourdes au réveil

    7h45 : Le réveil sonne… Finalement, pas de grasse mat’ pour moi ce matin, le footing m’attend. Je mesure le poids de la balade de la veille. La première côte, dès le départ est un calvaire mais je pousse l’effort jusqu’à l’îlot Ni Kouria. Je suis parti depuis 25 minutes, et chaque jambe pèse une tonne. Jugeant ce décrassage suffisant, je rentre à pied par la même route, sans même avoir la force de faire du stop…

    De retour à Aigiali, mes compagnons de room me maudissent d’avoir fait sonner le réveil ! Nous petit déjeunons dans l’appart’, dont nous profitons jusqu’au bout de notre court bail. Nous le rendons en début d’après-midi, mais notre propriétaire grec accepte de garder nos sacs à dos, que nous pourrons récupérer à tout moment (" six, seven, eight… "). Nous gagnons une plage retirée (privée ?) d’ Aigiali, histoire de se faire dorer la pilule de temps en temps et de ne pas rentrer tout blanc comme des cachets d’aspirine.

     

    Amorgos : un âne veille sur la baie d'Aigiali

    " Le Grand bleu " en anglais...
    sous-titré en norvégien !

    En fin d’après-midi, nous quittons Aigiali pour Katapola, à l’autre bout de l’île. Nous retrouvons JM et Lucie dans le bus, qui font le trajet avec le même objectif que nous : assister à la projection du film culte de Luc Besson, " Le Grand Bleu ", dans le pub du même nom sur le port de Katapola . Nous battons le record du monde de vitesse du plantage de tente pour ne pas rater le début du film. Aux abords du camping, un " playground " d’enfer se déroule… Le " gyros pita " est avalé en douze secondes trois dixièmes et ne remplit vraiment pas l’estomac. Du coup, avant de rejoindre le pub, David et Alex vont acheter biscottes et feta, ce qui ne ravit pas le proprio du " Grand Bleu ", fort peu agréable d’ailleurs. JM et Lucie nous quittent juste avant le début du film, le dernier bus qui doit les ramener à Aigiali va partir. Le film est diffusé sur un écran de télé, en anglais, sous-titré en … norvégien ! Mais peu importe, je l’ai déjà vu tant de fois que je parviens à anticiper
     les dialogues. " Voir le Grand Bleu en anglais sous-titré en norvégien à Amorgos, c’est parfait " opinionne David. C’est une version écourtée mais après la randonnée d’hier, nous la regardons complètement différemment, plus attentifs à chaque plan, chaque paysage… Le monastère ne passe pas inaperçu ! Quant à Alex, elle cherche à me démontrer que Jacques meurt à la fin du film, alors que je penche pour une fin beaucoup plus philosophique. Ce n’est quand même pas une gamine de 21 ans qui va m’apprendre la vie !

    Pour finir la soirée, nous déambulons aux alentours du petit port de Katapola. Le ciel étoilé, le bruit des vagues, une petite musique grecque s’échappe d’une taverne, l’ambiance est romantique…


    Suite à venir..
    Cyrilos

     


  • Commentaires

    1
    Cyrilos
    Vendredi 9 Janvier 2009 à 09:31
    Bonjour,
    J'aimerai bien que vous mettiez tout dans un même article.
    Merci d'avance.
    2
    Vassi
    Vendredi 9 Janvier 2009 à 22:24
    Très beau récit !! Bravo.
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