• Mon Voyage Par auboudumonde44

    Mon Voyage

    Par auboudumonde44

    Traverser l'Adriatique

    17 heures. Le ferry quitte le quai. Nous traversons Venise à bord de ce bateau plus haut que les immeubles. Impressionnante démesure. De l'eau et des embarcations partout, circulant en tous sens sous le chaud soleil italien. Je m'allonge à l'ombre sur le pont... et m'endors immancablement. Je pense aux deux soeurs qui doivent être arrivées chez elles, et se régaler du festin commandé à leur mère. Petite pincée au coeur quand je m'aperçois que je capte le réseau croate. Une fois le soleil couché, je ne tarde pas à me glisser dans mon duvet et à m'endormir, la tête dans les étoiles.

    Quoi de mieux qu'être réveillée par les premiers rayons du soleil, au beau milieu de l'Adriatique ? Journée passée à buller sur le pont : on fait pire moyen de transport ! Début d'après-midi, premiers bouts de terre depuis hier : deux îles, que j'imagine appartenir à l'Albanie. Nous arrivons à Igoumenitsa en fin de journée, le soleil dans le sillage. Corfou, seconde escale. Le ciel se teinte de magnifiques couleurs. Il fait nuit quand nous repartons, je m'installe comme hier pour quelques précieuses heures de sommeil.

        4 heures, me voici en Grèce ! Les premières lueurs du jour pointent à l'horizon. Je commence à chercher la gare routière, mais sans personne dans les rues pour me l'indiquer c'est peine perdue. J'attendrai deux heures supplémentaires dans le hall de la gare maritime, de quoi laisser à la ville le temps de se réveiller. Mon voisin m'indique la direction à suivre : « Go, go, go and left ». Pas tout près, visiblement ! Je galère un peu pour trouver la fameuse gare routière, dont la devanture de la boutique ressemble à celle d'une agence touristique comme toutes les autres de la rue principale de Patras.

    Patras => Kalamaki

    Mes premiers pas sur le sol grec ne sont pas très aisés. Si le croate était difficile à déchiffrer, le grec se rapproche de l'impossible, et les gens dans la rue ne parlent pas anglais. Apprentissages du voyage !

        Kyllini. Descendre du bus, monter dans le ferry. Une heure de traversée pour Zakynthos. Peu avant d'arriver, des cris d'enfants me sortent de ma torpeur. Pas besoin d'en comprendre les paroles : des dauphins ! Cadeau de la mer pour clore le voyage. Remonter dans le bus jusqu'à la gare routière... et changer de bus, encore.

        Kalamaki, 14 heures, 39°C ! N'ayant pas réussi à joindre le camp par téléphone, j'entre dans une épicerie pour demander mon chemin. J'en ressors rapidement un plan dans les mains... et quelques kilomètres à parcourir à pied. Coup de pouce précieux, une fille en scooter s'arrête à ma hauteur et propose de m'emmener. Arrivée au camp de base, je m'installe et fais connaissance avec les volontaires. Grosse équipe, presque tous Britanniques. Deux Israéliens et une Espagnole : en voilà au moins quelques uns que je n'aurai pas à faire répéter pour les comprendre !

    Marathonissi

    Après le dîner, je pars avec Chris et Benny pour ma première nuit sur le terrain, sur l'île "à l'allure de tortue", Marathonissi, dans la baie de Lagana. Une demi-heure de traversée en zodiac avant de mettre pied à terre sur cette île déserte occupée seulement, à cette heure de la journée, par deux gardiens du Parc national marin. Toute l'île est faite de reliefs plongeant en falaises dans l'eau chaude et bleue, à l'exception d'une petite langue de sable blond qui s'avance tranquillement dans la baie. Nous patientons, attendons la nuit dans ce cadre idyllique. Mes compagnons ce soir sont Gallois et Australien ; j'exerce mon anglais ! Vers vingt-deux heures, lorsqu'il fait suffisamment sombre, nous entamons une série de rondes sur la plage. Toujours en suivant la ligne de rivage, de manière à ne pas marcher sur les nids que les tortues installent vers le haut de la plage, là où le sable est plus sec. Dames tortues tardent à arriver cette nuit. Vers deux heures trente, une prem
     ière sort de l'eau et tente de faire son nid, mais avec une nageoire abîmée elle n'y parviendra pas. Ne souhaitant pas nous coucher bredouilles, nous jouons les prolongations. 3 heures. 4 heures. Rien. Nous nous apprêtons à aller dormir quand une masse noire se hisse hors de l'eau, se dirige vers l'arrière de la plage. Elle creuse le nid dans le sable, étonnemment habile avec ses grosses nageoires. Vient la ponte. Allongés derrière la bête, nous patientons, écoutons son souffle régulier comme la respiration d'une personne âgée endormie. Quel âge a-t-elle, cette majesté marine ? Pendant qu'elle recouvre de sable sa centaine d'oeufs, nous la mesurons, lisons ses deux bagues, vérifions d'éventuelles blessures sur la carapace ou les nageoires, et marquons le nid de manière à le retrouver demain matin. Elle se laisse faire, imperturbable, et poursuit son travail avant de s'en retourner vers la mer. Elle glisse dans l'eau, plonge la tête, disparaît. Il est finalement près de cinq
     heures quand nous nous glissons dans nos duvets, la tête sous la moustiquaire, pour deux précieuses heures de sommeil.

        Les premiers rayons du soleil parviennent jusqu'à notre petite plage et nous réveillent en douceur. La nuit ayant été calme, le travail du matin est rapide. En une demi-heure nous avons localisé le nid et reporté sa position dans le cahier, et effacé les traces laissées par la tortue afin de ne pas les confondre en revenant ce soir. De retour vers Kalamàki, nous nous offrons une rapide baignade en attendant notre chauffeur. La journée sera consacrée à la sieste. Farniente, torpeur et chaleur.

    Ce soir nous repartons pour une seconde nuit à Marathonissi ; Nick nous accompagne. La traversée est un peu plus agitée qu'hier ; la nuit sera calme. Nick est très pédagogue, et avec l'expérience d'hier je profite mieux des évènements. Cette tortue-là n'est pas baguée : deux trous dans les nageoires, elle ne réagit même pas ! Impressionnante de pacifisme. Grand moment, comme le sera chaque instant passé aux côtés de ces "mamas" qui ressortent de l'eau pour venir pondre sur la plage où elles sont nées.

        Après le travail de localisation du matin, nous quittons Marathonissi. Nous coupons le moteur du zodiac quelques centaines de mètres avant la plage de Lagane pour une baignade prolongée. Pur bonheur ! Je passerai une bonne partie de la journée à récupérer tant bien que mal de la fatigue des deux dernières nuits. En soit dormir le jour ne me dérange pas, mais même le sommeil est fatigant par cette chaleur. Je pense à la neige québécoise, dont je parlais hier avec Agnes la Suédoise...

    Journée en mer vers le Shipwreck

    Nous quittons le port de Zakynthos ce matin à bord d'un bateau de tourisme où nous présenterons l'association et parlerons des tortues aux passagers.
        Nous longeons la côte est de l'île jusqu'au Shipwreck, la plage du naufrage où gît encore l'épave rouillée et à moitié ensevelie d'un navire de contrebandiers échoué ici en 1983. Cette plage de sable encadrée par les impressionnantes falaises qui l'entourent est classée parmi les cent plus belles plage du monde. Cette côte faite de falaises est peu fréquentée de nos amies les tortues, mais nous offre l'occasion de découvrir par la mer ces paysages qui font la beauté et la renommée de l'île.
        Je suis contente aussi de partager cette journée en mer avec Tali l'Israëlienne ; porte à laquelle je n'hésiterai pas à frapper au besoin. A propos d'Israël, le témoignage de Sonia et les discussions que j'ai pu avoir avec Tali et Avi finissent par apporter quelques arguments de poids en faveur de cet étrange petit pays, "bien plus calme qu'en laissent penser les infos internationales".
        Ce soir au camp, c'est barbecue et salade grecque, pour dire au revoir à ces deux Israëliens avec qui le contact est décidément bien passé.

    Kalamaki beach

    Levée bien avant le départ pour le travail sur la plage, j'apprécie la fraîcheur et la tranquilité du camp au petit matin. Les tortues nous ont donné de quoi faire aujourd'hui : six nouveaux nids sur la plage de Lagana, un à Kalamaki, et plusieurs autres traces. Trois nids sont situés dans le passage et sont donc susceptibles d'être endommagés par les touristes qui marcheraient dessus sans les voir. Nous devons les protéger en placant une cage au-dessus, qui les signale et oblige à les contourner. Ce qui signifie, pour chacun, qu'il nous faut interpréter les traces et creuser avec précaution jusqu'à atteindre les premiers oeufs, de manière à situer précisément le nid. Il ne s'agirait pas de poser la cage à côté ! 10 heures, le soleil tape déjà sérieusement et nous n'avons toujours pas terminé avec les traces de Kalamaki Beach. Belle matinée.

    Sekania

    Depuis mon arrivée au camp, Sekania sonne comme un mythe... Sekania, plage protégée, strictement interdite d'accès à l'exception de quelques uns d'entre nous qui s'y rendent par bateau en fin de journée et reviennent au petit matin après le travail nocturne. Aujourd'hui c'est mon tour d'y aller. La raison pour laquelle Sekania est si protégée ? plus de 300 nids en à peine quelques centaines de mètres ! Le chiffre montera à près de 500 à la fin de l'été. Ou comment appliquer au pied de la lettre l'expression "marcher sur des oeufs" !

        Nous partons donc de la plage de Kalamaki pour une demi-heure de traversée. Assise à l'avant du zodiac avec Dan, nous scrutons la mer au cas où une tortue serait sur notre passage. Nous voilà dans la zone A du Parc National Marin, où toute navigation est interdite... Ce soir, nous sommes quatre privilégiés. Nerissa cherche les vagues qui nous portent dans un agréable surf. Arrivés à Sekania, nous patientons, attendons la nuit. La Lune particulièrement brillant nous éclairera toute la nuit. Je pars avec Dan sur la partie ouest de la plage. La première tortue arrive relativement tôt, vers 22h20. Tache sombre et mouvante sur le sable... Elle restera bien une heure, sans même parvenir à creuser un nid. Deux autres tortues arrivent presque en même temps : un peu stressant de tout faire sans pour autant les perturber. Une quatrième tortue arrivera plus tard dans la nuit, puis s'en retournera à la mer sans incident. Elle disparaît, plongeant dans le reflet argenté de la Lune. F
     éérie de l'instant.
        La moustiquaire s'est cassée la gueule pendant la nuit. Réveil en sursaut, fou rire collectif. L'un de nous a du tirer dessus... Nous nous réveillerons un peu plus tard dans une douce lumière matinale, le soleil encore caché par les falaises. Travail du matin avec Nerissa. Dan et Nick sont partis à Dafni en zodiac, plage trop accidentée pour permettre un travail nocturne. Nerissa est une excellente prof, pédagogue et patiente. J'apprends beaucoup avec elle, de la lecture des traces laissées dans le sable par les tortues. Huit nids au total : petite nuit pour Sekania, fort importante pour moi. Au bout de la partie ouest, une belle petite crique au sable grossier, abritée par de hautes falaises : Thiafi. Je savoure chaque instant de la traversée de retour vers Kalamaki. Pur bonheur que d'être en mer, au petit matin, les pieds qui traînent dans une eau si chaude...

    Sekania, acte II. Après avoir passé la journée à tenter de récupérer, me revoilà sur cette belle plage avec une nouvelle équipe. Base camp gossips tonight... ça va un peu vite pour moi, trois Anglais qui "médisent" sur les autres, mais j'en capte l'essentiel. Très drôle. Mon équipier de cette nuit sera Scott. Il a un accent assez prononcé, il me faut donc un peu de temps pour m'y habituer. Belle nuit étoilée éclairée par la Lune. On aperçoit même une planète, Jupiter peut-être. J'ai osculté des nageoires de tortue !

    Le reste de la journée sera consacré au repos. Je suis véritablement claquée. Changer de rythme chaque jour, travailler de nuit, se lever à six heures du matin, être d'attaque pour une patrouille en plein cagnard en milieu d'après-midi...
        Petite pensée pour Piriac en ce soir de fête nationale.  Ebullition estivale. Je retrouverai mon village dans une quinzaine de jours. Du sud grec au sud breton... En réalité c'est ici que l'on bout : 44°C aujourd'hui !

    Lagana, Kalamaki

    Au cours des deux semaines qui suivent, je suis retournée plusieurs fois sur les plages de Lagana et Kalamaki pour le travail nocturne ou matinal.
        16 juillet : Quelques traces sur nos deux plages, quelques nids aussi. Le vent a fait voler le sable fin dans tous les sens, si bien qu'il est difficile de déchiffrer ce qu'ont fait les tortues pendant la nuit, même pour Yvette qui pourtant est une experte en matière de "lecture de traces". J'apprécie beaucoup l'équipe avec qui je suis ce matin : Yvette, Tom avec qui le courant passe à merveille et Gitta, une Allemande nouvellement arrivée. Malgré la difficulté supplémentaire ce matin, je commence à ne pas être trop mauvaise pour déchiffrer les traces, deviner s'il y a un nid et, le cas échéant, où sont les oeufs.
        18 juillet : Suite aux à l'arrivée de plusieurs nouveaux volontaires ces derniers jours, le travail de suivi des plages de Lagana et Kalamaki est désormais partagé par deux équipes. Ce matin, Michael, journaliste-photographe tchèque, nous accompagne. "Nos" tortues attirent donc aussi la presse étrangère ! Intéressé et curieux mais léger, il nous laisse travailler sans encombre. Quatre nids ce matin, dont trois sur lesquels nous devons mettre des cages. Cela signifie qu'il faut chaque fois creuser pour localiser précisément les oeufs. Pénurie de cages ! Pendant que le reste de l'équipe poursuit vers le nid suivant, j'attend que Christina en ramène du camp de base. Aujourd'hui marque aussi l'arrivée de Loïque, la belge francophone : 3 semaines que je n'ai pas parlé français !
        19 juillet : Nuit de travail sur la plage de Kalamaki avec Hayley. La pleine Lune donne une agréable lumière sur cette petite plage. Malheureusement, les tortues n'ont pas décidé de pointer leur nez cette nuit. Peut-être, justement, à cause de cette Lune trop brillante. Difficile de rester éveillées dans ces conditions ; Hayley rêve de voyage au bout du monde : nous rêvons donc à deux et somnolons par intervalles de vingt minutes, entre nos aller-retours le long de l'eau.

    23 juillet : Ce que j'aime le mercredi, c'est que les plages de Lagana et Kalamaki sont regroupées pour le suivi du matin. De plus, nous sommes avec Yvette avec qui j'aime beaucoup travailler. 3 nids à Lagana, 3 à Kalamaki, dont un juste devant la cabane des gardiens et qu'il nous faut donc "cager". Nous trouvons les oeufs assez rapidement. J'ai acquis la petite routine des tâches à accomplir : lire les traces, localiser le nids, parfois creuser pour savoir précisément où sont les oeufs, placer la cage et les galets que nous marquons et qui nous servent de témoins, effacer les traces, et tout inscrire dans le registre. Ce matin pour la première fois, nous sommes aussi à la recherche d'éventuelles traces d'éclosion. Nous n'en verrons pas aujourd'hui ; je n'en verrai pas avant mon départ... ce sera pour une autre fois (avec les Luth au Costa Rica ? qui sait !).
        26 juillet : Dernière opération de suivi, à Kalamaki. Deux nouveaux nids, dont un que l'équipe de cette nuit a pu marquer. Heureusement d'ailleurs, nous aurions peiné à localiser les oeufs tellement mère tortue a bien camouflé son nid.


  • Commentaires

    1
    Steph
    Mercredi 7 Janvier 2009 à 22:25
    Beau récit, bravo. Il y en a qui ont de la chance.
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